Analyse politique : Dr. Lhachkar Mohamed, mémoire du Rif et réconciliation nationale

Politique & Société

Dans un texte publié le 15 septembre 2025 sur Facebook, le Dr. Lhachkar Mohamed a livré une réflexion marquante sur la République du Rif, la liberté d’expression et la réconciliation nationale. RifConnect propose ci-dessous une analyse complète, et met à disposition le texte intégral en accordéon.

Texte intégral du Dr. Lhachkar Mohamed

Nous ne sommes pas ambigus :

Combien de fois, lors de mes rencontres avec mes lecteurs, ai-je été accusé d’ambiguïté dans mes réponses aux questions qui reviennent sans cesse : La République du Rif a-t-elle réellement existé ? Dans ce cas, Abdelkrim n’était-il pas un séparatiste ? Puis, presque inévitablement, on en venait au présent : Pourquoi cet intérêt pour l’histoire du Rif ? Est-ce une stratégie pour raviver et transmettre l’esprit rebelle et républicain des Rifains ?

Combien de fois me suis-je retrouvé à devoir démontrer, arguments à l’appui, que l’épisode de la République du Rif fait partie de notre mémoire collective et qu’il est de notre devoir de le connaître et de le transmettre, non seulement aux jeunes Rifains, mais à tous les Marocains. Et qu’à titre personnel, en tant que démocrate, j’ai la liberté de penser ce que je veux, liberté qui mérite d’être respectée, protégée.

J’ai connu le même harcèlement intellectuel en Espagne, venant cette fois de militants de la gauche radicale, incapables d’imaginer que je puisse vivre au Maroc librement, publier mes livres à mon compte et sans subir de censure directe. Incapables de croire qu’il m’est même arrivé, rarement mais réellement, de passer à la télévision ou de donner des conférences universitaires. Mais dans ces milieux espagnols, la responsabilité coloniale de leur propre pays n’est presque jamais reconnue. Très vite, on détourne la discussion du Rif vers la question du Sahara, en ignorant, comme toujours, le rôle historique du colonialisme espagnol dans la région.

À toutes ces questions, je m’étais habitué depuis longtemps. J’y répondais sans ambiguïté parce que je suis indépendant, et que je n’attends rien de personne — si ce n’est que mes livres soient lus et discutés, dans une ambiance saine et de respect mutuel.

Si je reviens aujourd’hui sur ce sujet, c’est à cause d’autre chose : le petit discours prononcé par Nasser Zefzafi, la semaine dernière, à Alhoceima, lors des funérailles de son père. Ces quelques mots, dits depuis la terrasse de sa maison et profitant de cette brève échappée de liberté, ont provoqué un véritable choc au Maroc, et plus encore dans le Rif.

Tous les commentaires lui reprochent d’être dans l’ambiguïté. Personnellement, pour l’avoir connu, je peux dire qu’il était sincère. Il n’a rien exprimé de différent de ce qu’il a toujours pensé et dit. Pourtant, certains l’accusent d’avoir cédé à un compromis avec les autorités en échange de ce moment de liberté. D’autres lui reprochent d’avoir remercié le directeur des prisons, celui-là même que son père critiquait avec acharnement.

Un journaliste installé à l’étranger l’a presque insulté, affirmant que « n’est pas Mandela qui veut », avant d’enfoncer le clou le lendemain en proclamant que le « Mandela du Rif » n’était autre que Jelloul. Or ce dernier, détenu lui aussi à Tanger, a publié un communiqué où il ne disait rien de nouveau ni rien qui contredisait Zefzafi sur la question de l’unité nationale. Jelloul a d’ailleurs toujours été sincère dans ses communiqués personnels. Il est seulement regrettable que les six détenus ne publient que rarement des communiqués communs, ce qui permet à certains d’entretenir la surenchère et de jouer sur leurs différences.

De l’autre côté, des « nationalistes » marocains de toutes obédiences — anciens magistrats, journalistes, politiques — reprochèrent à Nasser de n’avoir pas explicitement remercié le roi, estimant qu’un tel geste de clémence n’aurait pu avoir lieu sans son aval. D’autres encore allèrent jusqu’à demander sa libération immédiate, considérant que son évocation de la marocanité du Sahara équivalait à une sorte d’allégeance.

Mais au fond, où est l’ambiguïté ? Dire ce que l’on pense, avec ses propres mots, en toute sincérité, n’est pas une compromission. C’est un acte de liberté, de courage. C’est pourquoi je me reconnais, à ma manière, dans ce qu’a vécu Nasser Zefzafi. Comme lui, j’ai été accusé d’ambiguïté alors que je n’ai fait qu’exprimer ma pensée, telle qu’elle est, sans calcul ni arrière-plan. Nous ne sommes pas ambigus : nous sommes simplement sincères, et c’est cette sincérité qui dérange.

Pour mettre fin à ce drame humain de ces jeunes détenus, il est urgent de les libérer tous et d’entreprendre enfin un véritable travail de mémoire et de réconciliation dans un cadre réellement démocratique et respectueux de l’identité et des spécificités de la région. Seule une telle voie mettra fin aux illusions de tous ceux qui veulent faire du Rif un fonds de commerce et de ses prisonniers une carte de chantage.

Analyses :

1. Défense de l’histoire et de l’identité

L’évocation de la République du Rif est ici replacée dans la mémoire nationale, non comme un particularisme mais comme un élément central du récit marocain.

2. Critique des positions extrêmes

Le Dr. Lhachkar refuse à la fois le déni colonial d’une certaine gauche espagnole et la surenchère nationaliste de certains milieux marocains.

3. Nasser Zefzafi : sincérité contre ambiguïté

Il défend la sincérité de Zefzafi et dénonce le faux procès en ambiguïté. Son mot d’ordre devient universel : « Nous ne sommes pas ambigus, nous sommes sincères ».

4. Solution politique

  • Libération immédiate des détenus du Rif.
  • Travail de mémoire et de réconciliation démocratique.

Conclusion

Ce texte dépasse la réaction personnelle pour devenir un manifeste politique : mémoire, liberté, sincérité et réconciliation.

Votre avis nous intéresse : La réconciliation nationale passe-t-elle par une reconnaissance pleine de l’histoire du Rif ? Partagez votre opinion en commentaires.

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