La poésie rifaine authentique est une culture profondément enracinée chez les habitants du Rif depuis des siècles. Ils maîtrisent l’art de composer des poèmes souvent ornés de rimes, ce qui leur confère une beauté et une harmonie uniques. Pour eux, la poésie est une force expressive omniprésente, utilisée en toutes circonstances et dans tous les aspects de la vie : dans les moments de gloire comme dans les périodes difficiles, lors des festivités ou des cérémonies de deuil. La poésie sert à rendre hommage, à exprimer le chagrin, mais aussi à relever des défis, souvent lors de joutes oratoires entre hommes (notamment les imgharen) ou même entre femmes.
La poésie dans les traditions rurales
Un exemple marquant de la poésie rifaine se retrouve lors des récoltes, notamment pendant la thidouiza. Les femmes, organisées en groupes, chantent des poèmes appelés Izran, accompagnés de mélodies spécifiques à la région. Ces chants, échangés entre deux groupes de femmes, se répondent en parfaite harmonie et synchronisation tout en poursuivant leur travail dans les champs. Cette tradition vise non seulement à insuffler de l’enthousiasme et de la motivation, mais également à préserver les coutumes ancestrales. La qualité de ces poèmes repose sur deux éléments essentiels : la rime et le sens, ainsi que la voix claire et puissante des participantes. Cette pratique s’applique également aux hommes, et les travaux agricoles se concluent souvent par des festivités où la poésie, la danse et la musique se mêlent.
La poésie sans mélodie (thakasisth)
En parallèle de la poésie chantée (Izran), il existe un style de poésie appelé taghsisth, qui se récite sans accompagnement musical. Ce type de poésie est souvent utilisé dans la vie quotidienne pour exprimer des réflexions, des émotions ou des observations. Par exemple, un berger pourrait composer et réciter des poèmes dans les champs ou près des rivières, dialoguant parfois avec l’écho des montagnes ou même avec un autre berger d’une tribu voisine, porté par le vent.
La poésie comme défi créatif
Une tradition fascinante de la poésie rifaine réside dans les joutes oratoires. Ces défis poétiques, souvent tenus lors de grandes occasions, mettaient en compétition des poètes (les imgharen), chacun tentant de surpasser l’autre par des vers satiriques ou élogieux. Une anecdote transmise dans ma famille raconte une de ces confrontations qui aurait eu lieu dans les années 1920. Mon arrière-grand-père, alors jeune poète, aurait répondu à une provocation poétique avec des vers improvisés devant une foule. Ces échanges, bien que spontanés, révélaient une créativité et une maîtrise exceptionnelles.
Un patrimoine oral exceptionnel
Ce qui rend la poésie rifaine encore plus impressionnante, c’est que la plupart des poètes étaient analphabètes. Ils composaient leurs poèmes sans jamais les écrire, mais les mémorisaient parfaitement et les transmettaient oralement. Ces poèmes étaient souvent utilisés pour documenter les événements, célébrer les valeurs sociales, ou encore transmettre des messages importants.
Les Traditions Poétiques du Rif
Explorez les pratiques ancestrales et vivantes de la poésie dans le Rif, une région riche en expressions culturelles uniques.
La poésie chantée : Izran
Les chants poétiques, appelés Izran, occupent une place centrale dans les traditions du Rif. Souvent récités ou chantés par les femmes lors des récoltes ou des fêtes, ces poèmes mêlent harmonieusement mots et mélodies pour créer une atmosphère unique de joie et de solidarité.
Les défis oratoires : Taghsisth
Les Taghsisth sont des joutes poétiques où les Imgharen (anciens sages) démontrent leur créativité et leur esprit face à un public captivé. Ces échanges, riches en rimes et en métaphores, témoignent de l’importance de la parole dans la culture rifaine.
La poésie quotidienne
Dans la vie quotidienne, les bergers et pêcheurs improvisent des poèmes qui dialoguent avec la nature, exprimant leurs réflexions et émotions dans un cadre paisible. Ces pratiques poétiques renforcent le lien profond entre les habitants du Rif et leur environnement.