Portrait de deux figures | deux générations du mouvement amazigh marocain

Cette image reflète deux visages emblématiques du mouvement amazigh marocain, unis par des valeurs nobles telles que la sincérité militante, la loyauté et la constance dans les principes. Elle renvoie également, de manière essentielle, à deux générations de ce mouvement :


1. La jeunesse, incarnée par le militant Mohyeddine El Ayadi

La flamme du militantisme amazigh s’est allumée en lui dès son plus jeune âge. Il est issu de l’école du mouvement amazigh, dont les orientations ont été façonnées au sein des principales organisations et associations que ce jeune homme a suivies de près, à travers le Conseil National de Coordination ou encore la Confédération des Associations Amazighes du Nord du Maroc. Il a contribué activement à la maturation de diverses expériences et projets qui ont donné une assise organisationnelle au mouvement amazigh, notamment le projet de l’« Alternative Amazighe », qui a servi de base au regretté Ahmed Dgherni et à ses camarades pour fonder le Parti démocratique amazigh marocain, rapidement interdit et privé de reconnaissance.

Mohyeddine El Ayadi est cependant resté profondément impliqué dans cette longue gestation, affichant une ouverture totale sur tout ce qui touche au présent et à l’avenir de l’amazighité, œuvrant à l’unification de ses militants au sein d’une force influente capable d’interpeller les centres de décision. Il a poursuivi son action avec la même dynamique au sein de la Confédération des Associations Culturelles Amazighes du Nord du Maroc (CACANM), participant assidûment à ses rencontres et sessions, n’hésitant pas à parcourir de longues distances entre Tanger, Al Hoceima, Nador et les environs, portant la flamme transmise par ses prédécesseurs au sein de l’Association Massinissa de Tanger, tels que Allal El Moussaoui, le défunt Khamlichi Boubker, Tahiri, Belkhadda et bien d’autres encore. Ils ont vu en ce jeune homme, débordant d’énergie, le digne successeur pour conduire le navire de Massinissa vers l’avenir.

Son éducation associative, sa crédibilité militante et son intégrité morale lui ont valu la confiance de tous, facilitant la coordination entre les activités de Massinissa et les autres associations amazighes à travers le pays – au Rif, au centre et au sud – à travers des programmes culturels et artistiques qui ont enrichi le parcours de Massinissa et continuent de le faire.

Il n’a manqué aucun des grands rendez-vous médiatiques ou organisationnels liés à la cause amazighe, en dépit de l’éloignement géographique, plaçant toujours le devoir au-dessus de toute autre considération. Il a su capitaliser ses relations personnelles avec des militants et figures culturelles, artistiques et académiques pour soutenir les programmes de l’association Massinissa à travers des rencontres et colloques abordant diverses thématiques imposées par la conjoncture politique et sociale du Maroc d’aujourd’hui.

Massinissa est ainsi devenue, jusqu’à aujourd’hui, un phare qui éclaire les chemins du militantisme amazigh, une référence pour tous ceux habités par la quête de promotion de la cause amazighe dans ses dimensions identitaire, culturelle, linguistique et civilisationnelle. Grâce à l’effort et à la persévérance de Mohyeddine et de ses camarades, cette structure associative amazighe du nord du Maroc est toujours debout, résiliente au milieu des multiples défis et dangers qui l’entourent – et qui, auparavant, avaient eu raison d’une génération entière d’associations et d’organisations contemporaines de Massinissa.


2. La génération des fondateurs et pionniers, incarnée par le professeur militant Hassan Id Belkassem

Issu des profondeurs de la gauche nouvelle, les circonstances de ses multiples arrestations dans les années 70 et 80 l’ont poussé à un travail d’introspection, lui permettant de formuler des questionnements fondamentaux sur son appartenance existentielle et son identité distinctive. Il a compris très tôt l’importance de la question identitaire et linguistique pour les Amazighs et a consacré sa vie à la défense de leurs droits. Il est parvenu à la conviction que les mécanismes de la lutte des classes au Maroc resteraient inopérants tant que la dimension identitaire ne serait pas prise en compte dans l’analyse de cette réalité – tout comme celle des autres pays d’Afrique du Nord (Tamazgha), avec leur composition humaine et leurs structures sociales.

Pour lui, le marxisme – quelles que soient ses écoles et tendances, léniniste, maoïste ou trotskiste – ne pourra mobiliser les masses de ces pays que si ses cadres et élites, qualifiés par Id Belkassem de « marxisants chérifiens », se libèrent de l’interprétation arabo-orientale de cette idéologie. Sans cette libération, ils resteront incapables d’adapter cette pensée à la réalité identitaire profonde de ces pays, empêchant ainsi leurs projets d’acquérir une légitimité révolutionnaire véritable.

Hassan Id Belkassem est l’un des pionniers de la lutte amazighe marocaine. Il est une figure marquée par une dynamique insatiable, que ce soit à travers son action au sein de l’Association Nouvelle pour la Culture et les Arts Populaires / Tamyinout, fondée en 1978, ou à travers son engagement artistique et culturel en tant que poète ayant publié deux recueils : Taslit ou Nizar et Imarayn, ou encore en tant qu’avocat s’évertuant à ancrer le militantisme amazigh dans une perspective juridique internationale, lui conférant ainsi la place qui lui revient, grâce aux efforts conjoints d’acteurs nationaux et internationaux, au premier rang desquels figure Id Belkassem.

Ce dernier a posé les fondements de ses thèses, développées entre 1978 et 1979, sur des bases juridiques, philosophiques et historiques concrètes, avant de les réunir dans son ouvrage Sur les droits linguistiques et culturels amazighs, publié en 1992, soit un an après la Charte d’Agadir du 5 août 1991, rédigée à l’occasion de la quatrième université d’été d’Agadir (du 29 juillet au 5 août 1991), à laquelle Id Belkassem a largement contribué, aussi bien dans le comité d’organisation qu’en tant qu’intervenant par son exposé en amazigh sur « l’identité et les droits humains » (Tamekkit d Izrfan Afkan), qu’il a également présidé lors de la session poétique.

Il porta cette cause comme une croix à travers le monde, à commencer par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme à Vienne en juin 1993, où les associations amazighes marocaines, aux côtés d’autres algériennes, ont présenté un mémorandum demandant la reconnaissance des droits linguistiques et culturels des Amazighs – peuples autochtones d’Afrique du Nord (Tamazgha). Id Belkassem et ses camarades ont insisté pour intégrer cette revendication dans les discussions sur les peuples autochtones, ce qui a contribué à la création en 2000 du Forum permanent sur les questions autochtones aux Nations Unies. Il est resté un acteur engagé au sein de cette instance internationale, ce qui a fait de lui un pionnier de la diplomatie amazighe à l’échelle mondiale, contribuant à l’élaboration de la Déclaration des droits des peuples autochtones en 2006, entre autres.

Il a joué un rôle déterminant dans la création du Congrès mondial amazigh (CMA), une organisation internationale qui a pour objectif de promouvoir les droits et les intérêts des Amazighs à travers le monde.

Il convient de souligner que la participation amazighe à la conférence de Vienne a constitué une étape stratégique pour l’internationalisation des revendications amazighes et leur ancrage dans les instances internationales des droits humains. Peu après, en 1994, la 17e édition du Festival international du cinéma de Douarnenez (France) a été dédiée à la culture amazighe. Elle a été une occasion rare pour la rencontre entre représentants des pays d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Mali, Niger et figures de la diaspora), aboutissant à une déclaration historique : La Déclaration de Douarnenez sur les droits culturels, linguistiques et identitaires des Amazighs. Celle-ci appelait à la création d’un organisme international dédié à la défense et à la promotion de la cause amazighe – rêve concrétisé avec la création du Congrès Mondial Amazigh (CMA) en septembre 1995 à Saint-Rome-de-Dolan, dans le sud de la France.

Ce ne sont là que quelques-unes des étapes nationales et internationales dans lesquelles Id Belkassem a joué un rôle de premier plan, tout en demeurant préoccupé par l’avenir du mouvement amazigh au Maroc. Il a été présent dans les débats élargis menés par les associations et acteurs du mouvement amazigh, notamment après le discours du 20 août 1994 et ses implications sur la scène culturelle et politique nationale. Ces débats ont poussé les composantes du Conseil National de Coordination (CNC) à rechercher des alternatives organisationnelles à une formule de coordination désormais épuisée. Plusieurs options furent proposées, dont celle d’Id Belkassem intitulée Travailler avec deux ailes : une culturelle et une politique, suivie de celle du Parti démocratique, et d’autres encore visant à envisager un avenir organisationnel pour les Amazighs du Maroc.

Les développements officiels ultérieurs de la question amazighe au Maroc n’ont en rien entamé la détermination d’Id Belkassem, qui a toujours reconnu, avec lucidité, les lacunes et les échecs de certaines positions, tout en saluant les avancées positives constatées ailleurs.

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